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Selon l’article L3253-8, 2° du code du travail, l’AGS garantit les créances résultant de la rupture des contrats de travail (indemnité de licenciement, indemnités compensatrices de congés payés et de préavis non travaillé, etc.) intervenant : 

    • pendant la période d’observation, dans le cadre de la sauvegarde ou du redressement judiciaire,
    • dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession,
    • dans les 15 jours, ou 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation,
    • pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire,
    • et dans les 15 jours, ou 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité.

Jusqu’à récemment, la Cour de cassation considérait que « les créances résultant de la rupture du contrat de travail » visées par l’article L3253-8, 2° du code du travail s’entendaient uniquement d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du liquidateur judiciaire.

Par conséquent, ladite garantie était exclue en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié, de départ à la retraite de celui-ci ou de résiliation judiciaire du contrat de travail : 

Ainsi, 

    • La créance indemnitaire résultant du seul départ à la retraite d’un salarié après le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et au cours de la période d’observation, ne bénéficiait pas de la garantie (Cass. Soc. 20.04.2005, N° 02-47.063). 
    • De même, l’AGS ne garantissait pas les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant à la suite de la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail formée par le salarié postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire (Cass. Soc. 14.06.2023, N° 20-18.397).
    • Enfin, l’AGS ne garantissait pas les créances résultant de la rupture du contrat de travail consécutive à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, aux torts de l’employeur, intervenue pendant la période d’observation (Cass. Soc. 20.12.2017, N° 16-19.517) ou après le prononcé de la liquidation judiciaire (Cass. Soc. 14.10.2020, N° 18-26.019).

      Selon la Cour de cassation, cette différence de traitement était fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi qui impose l’avance par l’AGS des créances résultant des ruptures des contrats de travail qui interviennent pour les besoins de la poursuite de l’activité de l’entreprise, du maintien de l’emploi et de l’apurement du passif.

      Toutefois, dans une décision de 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’exclusion de la garantie de l’AGS, en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le travailleur salarié, était contraire à la directive 2008/94 (CJUE, 22.02.2024, Aff. C‑125/23).

      La directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, doit être interprétée en ce sens que : elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la couverture des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail par le régime national assurant le paiement des créances des travailleurs salariés par une institution de garantie, établi conformément à l’article 3 de cette directive, lorsque la rupture du contrat de travail est à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné, mais exclut la couverture de telles créances par cette institution de garantie lorsque le travailleur en cause a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et une juridiction nationale a jugé cette prise d’acte comme étant justifiée.

      Selon la CJUE, le principe d’égalité exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Or, la cessation du contrat de travail à la suite de la prise d’acte de la rupture de ce contrat par le travailleur, en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite dudit contrat, considérée par une juridiction nationale comme étant justifiée, ne saurait être regardée comme résultant de la volonté du travailleur, dès lors qu’elle est, en réalité, la conséquence desdits manquements de l’employeur. Partant, il y a lieu de considérer que les travailleurs qui prennent acte de la rupture de leur contrat de travail se trouvent dans une situation comparable à celle dans laquelle se trouvent les travailleurs dont les contrats ont pris fin à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné.

      La Cour de cassation s’est alignée sur la position de la CJUE, par deux arrêts du 8 janvier 2025.


      La garantie doit pouvoir jouer en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié ou de résiliation judiciaire du contrat de travail. 

      Ainsi, 

      • Il y a lieu de juger désormais que l’assurance mentionnée à l’article L3253-6 du code du travail couvre les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de celui-ci en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et intervenant pendant l’une des périodes visées à l’article L3253-8, 2°, du même code (Cass. Soc. 08.01.2025, N° 20-18.484).
      • L’assurance mentionnée à l’article L3253-6 du code du travail couvre les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail, lorsque le salarié obtient la résiliation judiciaire de celui-ci en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et que la rupture intervient pendant l’une des périodes visées à l’article L3253-8, 2°, du même code (Cass. Soc. 08.01.2025, N° 23-11.417).

      Reste à savoir si la Cour de cassation changera également de position concernant les départs à la retraite. Pas certain…

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      Catégories : AGS