Doit être annulée une rupture conventionnelle qui a été signée dans un contexte où l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci (Cass. Soc. 06.01.2021, N° 19-18.549).


Les faits

Un salarié exerçait depuis mars 2002 les fonctions de responsable de production au sein d’une entreprise.

Par  lettre manuscrite datée du 24 novembre 2015, le salarié exprimait le désir de quitter son poste dans le cadre d’une rupture conventionnelle. 

C’est dans ce contexte que le 18 décembre 2015, salarié et employeur signaient une convention de rupture conventionnelle. 

Deux mois plus tard, le 16 février 2016, un plan de sauvegarde de l’emploi était présenté au comité d’entreprise. Le 13 mai 2016, un accord collectif majoritaire était validé par la DIRECCTE. 

Le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait un droit à un congé de reclassement de 12 mois (avec maintien intégral du salaire pendant la durée du préavis et rémunération à hauteur de 80 % du salaire ensuite), ainsi que des mesures d’accompagnement et des aides pour financer la formation à la création d’entreprise (4 000 euros) et la reprise d’entreprise (7 500 euros).

Quelque temps plus tard, le salarié saisissait la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation de la convention de rupture.

Les arguments soulevés par le salarié

Le salarié soutenait que son consentement avait été vicié en raison d’un dol commis par son employeur. 

L’entreprise qui connaissait depuis plusieurs années des difficultés et des résultats déficitaires, avait confié quelques mois plus tôt à un cabinet une mission d’audit, qui devait aboutir à des préconisations de restructuration. Quelques jours avant la signature de la rupture conventionnelle, la direction avait d’ailleurs annoncé qu’un plan d’action était en cours d’élaboration en vue de redresser et de pérenniser la société.

Selon le salarié, avant la signature de la rupture conventionnelle, l’employeur savait qu’un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d’accompagnement. Il savait par ailleurs que le poste du salarié, avec qui il était en discussion à la suite de la demande de rupture conventionnelle qu’il avait formée, serait supprimé dans le cadre de ce plan.

Ainsi, la dissimulation de ce plan de sauvegarde de l’emploi était constitutive de manoeuvres dolosives qui avaient vicié le consentement du salarié qui sans elles n’aurait pas signé la rupture conventionnelle.

Si le salarié avait été informé de la suppression de son poste, prévu dans le plan, et par voie de conséquence de son droit à bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi et des mesures d’accompagnement, il n’aurait certainement pas accepté de signer la rupture conventionnelle.

Certes, il avait un projet professionnel de reprise d’entreprise, mais il n’existait aucune urgence pour lui de quitter son emploi. Par ailleurs pour concrétiser son projet, il aurait pu bénéficier des mesures d’accompagnement du plan pour financer une formation et une partie du prix du fonds de commerce repris, alors qu’il justifiait avoir dû régler une facture de 2 800 euros à un organisme de formation à la gestion de l’entreprise.

En outre, les conditions financières liées à la rupture conventionnelle (14 500 euros d’indemnité de rupture en sus des indemnités légales de licenciement) étaient nettement inférieures à celles dont ils auraient bénéficié dans le cadre du congé de reclassement, étant rappelé qu’en cas de rupture conventionnelle l’ouverture du droit aux allocations de chômage est différé à concurrence du montant de l’indemnité de rupture.

Par conséquent, il y avait lieu de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle. 

L’arrêt de la Cour de Cassation

La Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait prononcé la nullité de la rupture conventionnelle. 

La cour d’appel, qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci, a légalement justifié sa décision.


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