La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail qui permet à l’employeur et au salarié de mettre fin au contrat, d’un commun accord. Une procédure spécifique est prévue par le code du travail.
• Une rupture du contrat de travail à l’amiable
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’employeur et le salarié vont convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie (L1237-11 du code du travail). Elle n’a pas à être motivée.
La rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties (L1237-11 du code du travail ; Cass. Soc. 23.05.2013, N° 12-13.865). Toutefois, l‘existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture (Cass. Soc. 30.05.2013, N° 12-19.711 ; Cass. Soc. 15.11.2023, N° 22-16.9571Concernant un différend opposant le salarié à son employeur au sujet du port des équipements de sécurité et un choix laissé au salarié entre un licenciement pour faute lourde et une rupture conventionnelle.). L’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture (Cass. Soc. 23.01.2019, N° 17-21.550).
💡 La rupture conventionnelle est possible uniquement pour les salariés en CDI. Il n’est pas possible d’y avoir recours pour rompre des CDD ou des contrats temporaires.
• Une indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le salarié doit percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Son montant pourra faire l’objet d’une négociation entre le salarié et l’employeur.
Dans tous les cas, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité légale (voire de l’indemnité conventionnelle2Aux termes d’un avenant (avenant n° 4 du 18 mai 2009) à l’ANI du 11 janvier 2008, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne doit pas, en principe, être inférieur au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, si celle-ci est plus favorable que l’indemnité légale de licenciement. Toutefois, selon la Cour de cassation, cet avenant ne s’applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d’une des organisations signataires de cet accord et dont l’activité ne relève pas du champ d’application d’une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du MEDEF, de l’UPA ou de la CGPME (Cass. Soc. 27.06.2018, N° 17.15948 : Aff. France télévisions, voir également l’Instruction DGT n°2009-25 du 08.12.2009). Ainsi, dans certains secteurs, seule l’indemnité légale sera prise en compte. Il s’agit notamment des secteurs suivants : professions agricoles et professions libérales, employeurs du secteur de l’économie sociale et du secteur sanitaire et social, particulier employeur, secteur de l’audiovisuel. Dans le même sens, la cour de cassation a récemment considéré que le salarié d’un office public d’habitat (OPH) ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 pour déterminer le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (Cass. Soc. 30.09.2020, N° 19.15675).).
💡 Le portail TéléRC (www.telerc.travail.gouv.fr) vous offre la possibilité de faire une simulation afin de connaître le montant de l’indemnité de rupture.
• Un ou plusieurs entretiens
Les parties conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens (L1237-12 du code du travail). L’absence d’entretien entraînera la nullité de la convention de rupture (Cass. Soc. 01.12.2026, N° 15-21.609). Bien qu’un seul entretien soit obligatoire, en pratique, plusieurs entretiens sont souvent nécessaires afin que les parties se mettent d’accord.
Au cours de ces entretiens, le salarié pourra se faire assister :
- soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
- soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié.
Si le salarié choisit de se faire assister, il en informera l’employeur avant la tenue de l’entretien.
L’employeur aura alors la faculté de se faire lui-même assister :
- par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
- ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
Si l’employeur décide d’user de cette faculté, il devra en informer à son tour le salarié.
Un avocat ne peut pas assister aux entretiens.
Au cours des entretiens, l’employeur devra donner au salarié une information précise sur le régime fiscal et social de l’indemnité spécifique de rupture (Guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, sept. 2019, mise à jour déc. 2021, p.124).
• Une convention signée par les 2 parties
En cas d’accord des parties, la rupture conventionnelle prendra la forme d’une convention signée par le salarié et l’employeur.
Aucun délai entre l’entretien au cours duquel les parties conviennent de la rupture du contrat et la signature de la convention de rupture n’est prévu (Cass. Soc. 03.07.2013, N° 12-10.268 ; Cass. Soc. 19.11.2014, N° 13-21.979).
La convention de rupture définira les conditions de la rupture, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. La convention fixera également la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles disposera d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation (L1237-13 du code du travail).
Ce délai commence à courir à compter du lendemain de la signature de la convention. Si le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (R1231-1 du code du travail).
💡 Le portail TéléRC permet d’effectuer une simulation afin de déterminer la date de fin du délai de rétractation.
A l’issue de ce délai de 15 jours calendaires, la convention sera adressée à la Dreets (ex-Direccte) pour homologation.
⚠️ Le délai de 15 jours calendaires est incompressible. La convention ne doit pas être envoyée à la Dreets avant l’expiration du délai de rétractation (Cass. Soc. 06.12.2017, N° 16.16851). |
• Une convention homologuée par l’administration
La demande d’homologation s’effectue via le portail TéléRC.
⚠️ Depuis le 1er avril 2022, les demandes de ruptures conventionnelles doivent être obligatoirement télétransmises via le portail TéléRC3Ces dispositions ne sont pas applicables aux salariés protégés, pour lesquels une procédure spécifique est prévue.. Les formulaires papiers adressés par courrier ne sont plus traités. |
Au cours de la saisine, TéléRC vérifiera que les champs obligatoires sont bien renseignés, que les délais légaux sont respectés, que l’indemnité de rupture conventionnelle est au moins égale à l’indemnité légale. Ce portail permet ainsi de sécuriser la procédure.
Le formulaire de demande d’homologation que vous allez saisir inclura la convention de rupture conventionnelle. Il n’est donc pas obligatoire de remplir un autre document. Dans certains cas, les parties pourront toutefois préférer rédiger un document annexe destiné à détailler les modalités de la rupture ou à préciser certains points (tel que le sort d’une clause de non concurrence, par exemple4En cas de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires (Cass. Soc. 24.01.2024, N° 22-20.201). ).
Le portail TéléRC permet d’imprimer 3 exemplaires : un pour l’employeur, un pour le salarié, un destiné à la Dreets.
Chaque exemplaire de la convention de rupture devra être signé par l’employeur et le salarié. Chaque signature sera précédée de la mention « Lu et approuvé ».
L’employeur doit obligatoirement remettre un exemplaire au salarié (Cass. Soc. 03.07.2019, N° 17.14232 et 18.14414). A défaut, la convention de rupture est nulle. En cas de contestation par le salarié, il appartiendra à l’employeur qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve (Cass. Soc. 23.09.2020, N° 18.25770 ; voir également Cass. Soc. 13.04.2022, N° 20-22.8955« Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle pour défaut de remise d’un exemplaire signé de la convention, l’arrêt retient que la convention de rupture indique qu’elle a été établie en trois exemplaires et que le salarié a apposé sa signature juste au-dessous de cette mention. En statuant ainsi, sans constater qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».). L’employeur aura donc tout intérêt à remettre au salarié l’exemplaire, en main propre contre décharge.
Une fois imprimé, les exemplaires devront également être datés par les deux parties. La date de fin du délai de rétractation doit également y être reportée de façon manuscrite.
A l’issue du délai de rétractation, le formulaire pourra être télétransmis à la Dreets via le portail TéléRC.
La Dreets disposera d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables6Le délai d’instruction commence à courir à compter du lendemain du jour ouvrable de réception de la demande. Si le dernier jour de ce délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ce délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. pour valider la convention de rupture. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation sera réputée acquise (L1237-14 du code du travail).
En cas de refus d’homologation, l’employeur ne peut pas modifier la rupture conventionnelle et retourner le formulaire à l’autorité administrative pour homologation sans informer le salarié et sans lui faire bénéficier d’un nouveau délai de rétractation (Cass. Soc. 16.10.2024, N° 23-15.752).
• La fin du contrat de travail et l’inscription à Pôle emploi
La date de fin du contrat sera librement fixée par les parties, dans la convention de rupture. Toutefois, cette date ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
Le salarié n’aura aucun préavis à effectuer.
A l’expiration du contrat de travail, l’employeur remettra au salarié les documents de fin de contrat.
Outre l’indemnité spéciale de rupture conventionnelle, le salarié recevra une indemnité de congés payés, s’il n’a pas pris tous les congés acquis à la date de rupture du contrat.
A l’issue du contrat, le salarié pourra s’inscrire à Pôle emploi (désormais appelé France Travail).
Il bénéficiera de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), sous réserve d’en remplir les conditions.
Avant le versement des allocations par Pôle emploi, un délai de carence sera appliqué. Ce délai d’attente (de 7 jours) pourra être complété par deux autres différés d’indemnisation. Le premier différé dépendra du montant de l’indemnité compensatrice de congés payés. Le second différé s’appliquera si le salarié perçoit une indemnité de rupture dont le montant est supérieur à celui de l’indemnité légale.
• La rupture conventionnelle d’un salarié protégé
Une procédure spécifique doit être suivie en cas de signature d’une rupture conventionnelle avec des salariés protégés.
Aux termes de l’article L1237-15 du code du travail, sont concernés les salariés bénéficiant d’une protection au titre des articles L2411-1 et L2411-2 du code du travail. La protection doit a priori également être applicable aux salariés ayant demandé l’organisation d’élections professionnelles, aux candidats aux élections, aux anciens détenteurs de mandats, aux représentants des sections syndicales (Guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, sept. 2019, mise à jour déc. 2021, p.123).
Quelques spécificités sont prévues :
D’abord, en fonction du mandat détenu par le salarié, il se peut que la consultation du CSE soit nécessaire, après la tenue des entretiens. Dans ce cas, l’avis du CSE devra précéder la signature de la convention de rupture. Le PV de la réunion sera joint à la demande d’autorisation (Guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, sept. 2019, mise à jour déc. 2021, p.123).
Par ailleurs, dans tous les cas, à l’issue du délai de rétractation, la convention devra être adressée à l’Inspection du Travail en lieu et place de la Dreets.
La demande d’autorisation, accompagnée d’un exemplaire de la convention, devra être adressée à l’inspecteur du travail grâce à un formulaire Cerfa, intitulé « demande d’autorisation d’une rupture conventionnelle d’un salarié protégé ». Le portail TéléRC ne pourra pas être utilisé. La demande pourra ensuite être adressée par courrier recommandé ou par voie électronique (via le site sisve.social-sante.gouv.fr).
Enfin, la rupture du contrat de travail ne pourra intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation accordée par l’inspecteur du travail (L1237-15 du code du travail), étant précisé que ce dernier dispose pour instruire la demande d’un délai pouvant aller jusqu’à 2 mois. Le silence gardé pendant plus de 2 mois, vaut décision de rejet.
• Rupture conventionnelle et suspension du contrat de travail
Selon la Cour de cassation, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue
- au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (Cass. Soc. 30.09.2014, N° 13-16.297),
- au cours des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre de son congé de maternité, ainsi que pendant les semaines suivant l’expiration de ces périodes (Cass. Soc. 25.05.2015, N° 14-10.149),
- avec un salarié victime d’un accident du travail déclaré apte avec réserves à la reprise du travail (Cass. Soc. 28.05.2014, N° 12-28.082) ou inapte à son poste (Cass. Soc. 09.05.2019, N° 17-28.767).