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La modification du contrat de travail doit être distinguée du changement des conditions de travail. Le simple changement des conditions de travail peut être imposé au salarié. En revanche, la modification du contrat de travail peut être seulement proposée au salarié, mais non imposée.


1. Modification du contrat de travail ou changement des conditions de travail

1.1. La modification du contrat de travail 

La modification du contrat de travail peut être proposée au salarié, mais non imposée. Elle nécessite l’accord du salarié. Le salarié a le droit de refuser une modification de son contrat de travail. Son refus ne constitue pas une faute.

En cas de refus du salarié, l’employeur pourra soit renoncer à son projet, soit envisager d’engager une procédure de licenciement. Dans ce cas, le motif du licenciement devra être un autre motif que le refus du salarié1Le refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas à lui seul une cause de licenciement (Cass. Soc. 06.07.2017, N° 16-14.900 ; Cass. Soc. 28.05.2019, N° 17-17.929). . Ainsi, si la cause de la modification refusée est économique, le refus du salarié ne constituera pas un motif de licenciement mais l’employeur pourra envisager un licenciement pour motif économique. 

En cas de transfert d’entreprise, si le transfert du contrat de travail en application de l’article L1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur (par exemple, un changement de lieu de travail dans un autre secteur géographique), le salarié est en droit de s’y opposer. Dans ce cas, la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail constitue un licenciement pour motif économique (Cass. Soc. 17.04.2019, N° 17-17.888).

1.2. Le changement des conditions de travail 

Le simple changement des conditions de travail peut quant à lui être imposé au salarié. Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut changer les conditions de travail d’un salarié.

Le refus du salarié constitue une faute. L’employeur pourra envisager selon le contexte, un licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire un licenciement pour faute grave 2 En principe, le refus par le salarié d’un changement de ses conditions de travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement mais ne caractérise pas à lui seul une faute grave (Cass. Soc. 23.02.2005, N° 03-42.018). Toutefois, d’autres éléments que ce refus (le contexte et les antécédents du salarié) peuvent permettre de retenir la qualification de faute grave (Cass. Soc. 19.06.2013, N° 12-11.867 ; Cass. Soc. 06.01.2016, N° 14-20.109)..

⚠️ Par exception, pour les salariés dits « protégés » (par exemple, un membre du CSE), l’employeur ne peut leur imposer ni une modification du contrat de travail ni même un changement des conditions de travail (Cass. Soc.10.07.2019, N° 18-14.762). Dans tous les cas, l’employeur doit obtenir l’accord du salarié. En cas de refus du salarié, il appartient à l’employeur, soit de renoncer à son projet, soit de mettre en œuvre la procédure spéciale de licenciement.

2. Illustrations

2.1. Concernant la rémunération 

La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifiée qu’avec l’accord du salarié. 

Exemple : une société exploitant une cave mettait jusqu’à présent à disposition de son salarié un logement de fonction. L’employeur décide de construire une nouvelle cave de production et de stockage qui ne comporte pas de logement de fonction pour des raisons de sécurité. En raison de cette mutation technologique, l’employeur propose au salarié une modification de son contrat de travail, consistant en la suppression du logement de fonction dont il bénéficiait contractuellement. Le salarié refuse. L’employeur le licencie pour motif économique (Cass. Soc. 26.10.2017, N° 16-19.194).

2.2. Concernant les fonctions 

Si les nouvelles fonctions entraînent un changement de qualification professionnelle du salarié, il y aura modification du contrat de travail. Dans le cas contraire, il y aura une simple modification des conditions de travail. 

• Exemples de modification du contrat de travail 

L’appauvrissement des missions et des responsabilités du salarié caractérise une modification du contrat de travail (Cass. Soc. 29.01.2014, N° 12-19.479).

Exemple : un salarié qui occupait un poste de responsable marketing produit, avait en outre en charge une mission de chef de projet et avait un préposé sous ses ordres. Il fut ensuite affecté au poste de responsable adjoint à l’e-commerce. Le salarié n’avait alors plus de fonction d’encadrement et n’était plus chef de projet. Le salarié « prenait acte de la rupture de son contrat de travail » en invoquant une modification de son contrat ; il saisissait la juridiction prud’homale. Selon les juges, cette réduction des responsabilités confiées au salarié constituait une modification de son contrat de travail qui ne pouvait pas lui être imposée. Par conséquent, la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur était ainsi condamné à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture (Cass. Soc. 05.03.2014, N° 12-28.894).

Le retrait au salarié d’une délégation générale de signature constitue une modification du contrat de travail (Cass. Soc. 26.10.2011, N° 10-19.001).

• Exemples de simple modification des conditions de travail

La création d’un échelon hiérarchique intermédiaire n’entraîne en soi aucun déclassement du salarié. Elle n’entraîne aucune modification du contrat de travail, dès lors que les fonctions et responsabilités du salarié ne sont pas modifiées (Cass. Soc. 19.10.2016, N° 15-12.957).

De même, l’attribution de nouvelles tâches correspondant à la qualification du salarié, sans modification de celle-ci, constitue un simple changement des conditions de travail (Cass. Soc. 25.03.2009, N° 07-45.266 ; Cass. Soc. 22.05.2019, N° 18-11.107). Le salarié ne peut pas s’y opposer. 

Le fait que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il exécutait antérieurement, dès l’instant qu’elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail (Cass. Soc. 25.01.2023, N° 21-18.141 ; Cass. Soc. 02.04.2025, N° 23-23.783).

Le changement de fonction ne constitue pas une modification du contrat de travail si lors de l’attribution des nouvelles fonctions transversales, la position du salarié est inchangée, il ne subit aucune rétrogradation ni déclassification et conserve sa rémunération (Cass. Soc. 25.01.2023, N° 21-18.141).

2.3. Concernant le temps de travail 

La durée du travail telle que stipulée au contrat de travail constitue, en principe, un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, peu important que la rémunération soit maintenue (Cass. Soc. 30.03.2011, N° 09-70.853).  De même, une diminution du temps de travail avec une réduction proportionnelle du salaire constitue une modification du contrat de travail.

Exemple : la situation économique d’une office notariale s’est dégradée, dans un contexte de crise du secteur immobilier affectant toute la profession notariale, faisant peser une menace sur sa compétitivité. Pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, l’employeur décide de proposer une modification du contrat de travail à sa salariée. La proposition consiste en une réduction de la durée hebdomadaire de travail de 37,50 heures à 35 heures, avec une diminution proportionnelle du salaire. La salariée refuse la proposition. L’employeur la licencie pour motif économique (Cass. Soc. 17.09.2014, N°13-19.763).

En revanche, l’employeur peut librement ajouter ou supprimer des heures supplémentaires (Cass. Soc. 10.05.1999, N° 96-45.673 ; Cass. Soc. 10.10.2012, N° 11-10.455 ; Cass. Soc. 10.03.1998, N° 95-44.842), sauf si elles constituent un élément de rémunération prévue au contrat de travail (Cass. Soc. 07.03.2018, N° 17-10.870).

2.4. Concernant les horaires 

S’agissant des horaires de travail, tout dépendra de l’importance de la modification envisagée.

Le changement d’horaire consistant en une nouvelle répartition de l’horaire au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d’entreprise et non une modification du contrat de travail (Cass. Soc. 22.02.2000, N° 97-44.339).

Le salarié ne peut pas s’y opposer sauf à démontrer que le changement d’horaire porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos (Cass. Soc. 03.11.2011, N° 10-14.702).

En revanche, le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui doit faire l’objet de l’accord du salarié (Cass. Soc. 27.02.2001, N° 98-43.783). De même, le changement par l’employeur des horaires de nuit en horaires de jour constitue une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié (Cass. Soc. 16.03.2022, N° 20-18.463 ; Cass. Soc. 14.09.2022, N° 21-13.015). Le refus du salarié de passer d’un horaire de nuit à un horaire de jour, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque ce changement porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale et est incompatible avec des obligations familiales impérieuses (Cass. Soc. 29.05.2024, N° 22-21.814).

Dans tous les cas, si les horaires sont inscrits dans le contrat de travail, l’employeur doit obtenir l’accord du salarié pour les modifier (Cass. Soc. 11.07.2001, N° 99-42.710).

2.5. Concernant le lieu de travail 

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