Face à l’épidémie de Coronavirus, le Gouvernement a rédigé un projet de loi intitulé « projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ».

Le Sénat a adopté en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi dans la nuit de jeudi à vendredi. Ce texte a ensuite été adopté par l’Assemblée Nationale dans la nuit de samedi à dimanche, mais dans une version différente. Faute d’accord entre les deux assemblées, la Commission Mixte Paritaire a été saisie (CMP). Ce dimanche 22 mars, la Commission Mixte Paritaire est parvenue à trouver un accord entre les députés et sénateurs. Le Sénat et l’Assemblée Nationale viennent d’adopter le projet de loi. La loi a été promulguée le 23 mars et a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2020.

Ce texte prévoit :
• d’instaurer un état d’urgence sanitaire,
• des mesures d’urgence économique, 
• des dispositions concernant les municipales.


1. L’état d’urgence sanitaire


L’instauration d’un état d’urgence sanitaire sur tout ou partie du territoire


La loi prévoit la possibilité d’instaurer un état d’urgence sanitaire sur tout ou partie du territoire. La loi vise ainsi à doter « les mesures de restriction prises depuis plusieurs jours d’une base légale solide » (Rapport de M. Philippe BAS, fait au nom de la Commission des lois, déposé le 19 mars 2020). Ces dispositions sont inspirées de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Les conditions de déclenchement de l’état d’urgence sanitaire


1/ L’état d’urgence sanitaire est en principe déclaré par décret en Conseil des Ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. 

Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques1Texte ajouté par l’Assemblée Nationale.

La prorogation de l’état d’urgence au-delà d’1 mois ne peut être autorisée que par la loi.2après avis du Comité de scientifiques.

2/ En cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, il est réuni sans délai un Comité de scientifiques3Son Président est nommé par décret du Président de la République. Ce Comité comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le Président de l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret..

Le Comité rend périodiquement des avis sur l’état de la crise sanitaire.

3/ Par dérogation, face à l’épidémie actuelle et dans un souci d’opérationnalité, l’état d’urgence sanitaire va être déclaré pour une durée de 2 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi4Article 5 bis ajouté par la Commission du Sénat.

La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà de la durée de 2 mois ne pourra être autorisée que par la loi.

Les mesures pouvant être prises dans le cadre de l’état d’urgence


Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier Ministre pourra, par décret, prendre des mesures5La liste des mesures a été ajoutée par le Sénat visant à :

1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;

2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels ou de santé impérieux ;

3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées ;

4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées ;

5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;

6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;

7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ;

8° Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ;

9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ;

10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire6Texte ajouté par l’Assemblée Nationale.

Sanctions prévues en cas de violation des interdictions


La violation des interdictions ou obligations est punie d’une amende forfaitaire de
135 €7Une sanction spécifique est prévue en cas de non respect des réquisitions : 6 mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. (ou d’une amende forfaitaire majorée de 375 € si elle n’est pas payée volontairement dans les 45 jours). En cas de récidive dans un délai de 15 jours, l’amende est portée à 1 500 €8Texte adopté en Assemblée Nationale

Si les violations des interdictions sont constatées à plus de 3 reprises dans un délai de 30 jours, les faits sont punis de 6 mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire (travail d’intérêt général, suspension du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule).


2. Les mesures d’urgence économique


Le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de 3 mois, des mesures relevant normalement du domaine de la loi et ayant trait à de nombreux domaines, notamment en droit du travail et en droit des procédures collectives. 

En matière de droit du travail et droit de la sécurité sociale


Le Gouvernement est autorisé à prendre, par la voie d’une ordonnance, des mesures afin, 

• ⚠️ de limiter les ruptures des contrats de travail et atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle ; 

De limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel (Article  7 b de la loi). 

• d’adapter les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité journalière de la Sécurité Sociale ; 

⚠️dans le cadre de la crise sanitaire et afin d’assurer une égalité de traitement  (entre les salariés mis en quarantaine, en garde d’enfants ou malades), le Parlement a décidé de supprimer, pendant la période d’état d’urgence sanitaire, le délai de carence, dans l’ensemble des régimes9Article 6 ter ajouté par l’Assemblée Nationale.

• ⚠️de permettre à un accord d’entreprise ou de branche10Précision ajouté par l’Assemblée Nationale d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés définis par le code du travail et par les conventions et accords collectifs. 

• ⚠️de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis par le code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;

• ⚠️de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ainsi que ceux nécessaires à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;

Une adaptation du droit du travail est nécessaire pour permettre aux entreprises de faire face aux difficultés d’organisation auxquelles elles sont confrontées, compte tenu d’un fort taux d’absentéisme et, partant, d’un surcroît exceptionnel d’activité. Les dispositions mentionnées […] permettent d’y répondre par une dérogation aux règles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical (Exposé des motifs accompagnant le projet de loi). 

• de modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation ;

Les sommes issues de la participation et de l’intéressement doivent être versées avant le 1er jour du 6ème mois suivant la clôture de l’exercice de l’entreprise […]. Ces délais légaux devront être assouplis […] (Exposé des motifs accompagnant le projet de loi). 

• de modifier la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ;

L’objectif de cette mesure est d’inciter les entreprises à verser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à leurs salariés qui assurent la continuité de l’activité en cette période de crise sanitaire. La condition de mise en place d’un accord d’intéressement pour pouvoir verser cette prime et la date limite de versement, actuellement fixée au 30 juin, pourront dans ce cadre, être assouplies (Amendement déposé à l’Assemblée Nationale N°240).

• d’adapter l’organisation des règles relatives aux « élections TPE » ;

• d’aménager les règles de suivi des travailleurs par les services de santé au travail ; 

Leur mission principale sera de diffuser les messages de prévention et de conseiller les entreprises et les salariés pour faire face à la crise. Ils devront également prioriser le suivi médical des salariés dont les activités sont essentielles à la continuité de la vie de la Nation […] (Exposé des motifs accompagnant le projet de loi). 

• ⚠️de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis ;

Le recours massif au télétravail ou au travail à distance associé à un fort taux d’absentéisme induit par la crise sanitaire peut rendre difficile l’application des procédures d’information-consultation du comité social et économique […]. Les dispositions […] faciliteront le recours à une consultation dématérialisée de l’instance (Exposé des motifs accompagnant le projet de loi). 

• ⚠️de suspendre les processus électoraux des CSE en cours11Texte ajouté par l’Assemblée Nationale ; 

• d’adapter, dans le contexte de la crise sanitaire, les dispositions du code du travail relatives à la formation professionnelle et à l’apprentissage ;

• d’adapter, à titre exceptionnel, les modalités de détermination des durées d’attribution des revenus de remplacement des demandeurs d’emploi12Texte ajouté par le Sénat.

En matière de droit des procédures collectives


Le Gouvernement pourra adapter le droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations.


3. Les dispositions concernant les municipales


Le second tour est reporté au plus tard au mois de juin 2020.

Pour ce faire, au plus tard le 10 mai 2020, sera remis au Parlement un rapport du Gouvernement fondé sur une analyse du comité national scientifique se prononçant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale le précédant.

« Si nous devons en conclure que l’épidémie rend impossible la tenue de l’élection en juin, nous reviendrons alors devant vous pour décider des meilleures mesures à prendre, si l’élection peut se tenir, elle se tiendra au mois de juin » (Propos d’Edouard Philippe devant le Sénat).

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